Pour traverser le Canada, nous avons choisi le train avec la compagnie nationale VIA Rail. Un premier trajet de 3 jours et 3 nuits entre Toronto et Jasper, puis la fin de la route entre Jasper et Vancouver en 1 jour et 1 nuit, après 1 semaine de randonnée dans les Rocheuses.

Pourquoi le train ?

Parce qu’on a le temps. On avait prévu de rester 1 mois au Canada et de le traverser d’est en ouest, alors autant profiter du temps qu’on a. C’est pas pendant des vacances de 2 semaines qu’on peut se permettre de « perdre » 4 jours dans des transports.

Pour expérimenter un voyage de plusieurs jours d’affilée. Je n’ai jamais dû faire plus de 9h d’avion, je me demandais ce que ça fait de voir défiler les jours durant un trajet, sans pouvoir sortir. Ca donne un petit côté huis-clos au voyage que je trouvais assez attirant.

Pour éviter de prendre l’avion. On va déjà prendre une dizaine de vols en 1 an, alors autant limiter tant qu’on peut. Ok, ça fait un peu « je prends de la salade avec mon big mac », mais bon, c’est toujours mieux que rien.

Pour ne pas avoir à conduire. A la base on était parti sur l’idée de louer un camping-car pendant 1 mois pour traverser le pays comme ça. Mais quand je me suis un peu mieux renseigné, j’ai rapidement vu qu’au centre du pays, il n’y a pas grand chose à voir. Ca rend la conduite moins intéressante. Et ici, le centre du pays, ça se compte en milliers de kilomètres, c’est pas un simple Dijon – Angoulême. J’avais pas trop la foi de me cogner des jours entiers de conduite, alors on a cherché un autre moyen de transport.

Toronto – Jasper : changements de rythme, d’heure et de paysages

On a eu la bonne idée de lire des critiques de ce trajet sur tripadvisor la veille du départ et les commentaires négatifs nous ont bien mis la pression. « Nous avons attendu le train à la gare pendant des heures sans aucune information », « Bloqués toute une nuit », « 20h de retard à l’arrivée », « J’ai perdu une nuit d’hôtel », « Service déplorable » et j’en passe. Ajoutez à ça le fait de devoir passer 3 jours et 3 nuits dans un train sur un siège normal, nous avions pas mal d’appréhension avant de débuter ce périple. Mais bon, on était censé arriver à 6h30 à Jasper et la réelle contrainte que nous avions était la fermeture de l’agence de location où nous avions réservé une voiture, soit 17h. Il fallait qu’on ait donc 10h30 de retard pour que ça commence à poser un problème logistique ou pécuniaire. Pour le reste, on s’est mis dans l’état d’esprit adéquat pour un voyage de ce type : si on voulait faire gaffe au timing, il fallait choisir un autre mode de transport. Alors on embarque et on profite.

Bon à savoir : VIA Rail propose des promotions sur leurs classes « voiture-lit plus » (cabine pour 2 ou couchettes superposées) environ 1 mois à l’avance. Les couchettes passent du coup de « inenvisageables » (ie. 1637 CAD – dollars canadiens – par personne sans les taxes) à « ok c’est un peu plus cher, mais c’est classe » (573,25 CAD, mêmes conditions) pour le trajet Toronto – Jasper. Pour notre siège inclinable, on a payé 367 CAD chacun. Après concertations, on avait estimé que les avantages en valaient la chandelle, à savoir un meilleur confort pour dormir, les repas inclus et l’accès à une douche. Au final, aucune promotion sur le mois de septembre (alors que quand je regardais sur juillet et août j’en voyais à tous les trains et là je viens d’en voir plein pour octobre…), donc on a dû se dire « nan mais bon, ça va le faire le siège inclinable, pour la bouffe on va acheter avant et pis pour la douche bah on prendra des lingettes, c’est cool ». Mouais.

Nous avions vu qu’on pouvait acheter de la nourriture à bord, a priori assez abordable et plutôt bonne d’après les critiques. Mais pour économiser et pour choisir ce qu’on mange, on a préféré anticiper et on a fait quelques courses préparatrices la veille du départ. Pas de frais évidemment, mais un bon combo tranches de pain de mie + pot de beurre de cacahuètes + fruits pour se faire des sandwichs, avec des petites compotes en dessert et quelques Clif bars (des barres énergétiques) pour les petits creux. On a également téléchargé sur nos PC quelques épisodes de séries sur Netflix et acheté un doubleur de prise jack, pour pouvoir mettre nos 2 casques sur un seul appareil et regarder/écouter des trucs ensemble.

Rendez-vous à la gare centrale de Toronto un peu avant 8h30 donc. Les places n’étant pas nominatives, on voulait arriver tôt pour être sûrs de pouvoir s’asseoir côte à côte. On dépose nos gros sacs à l’enregistrement et on attend l’embarquement. Première bonne nouvelle, le train est à l’heure. On prend place à bord et on découvre qu’il y a bien plus de place que ce à quoi on s’attendait. Rien à voir avec un avion, et heureusement. Les sièges s’inclinent pas mal, mais pas de quoi pouvoir s’allonger confortablement non plus, faut pas déconner.

On part à peu près à l’heure. Je ne me rappelle plus exactement, mais sur un voyage de 3 jours, on se dit rapidement que les minutes sont scientifiquement négligeables. On démarre doucement. Très doucement. On comprend mieux pourquoi ça prend autant de temps. Pas encore sortis de Toronto, on s’arrête. Et on fait même marche arrière ! Si ça commence comme ça, notre retard va se compter en jours… En fait on laissait simplement passer un train de marchandises. Ce qui va devenir une habitude durant le voyage, pour au final ne même plus remarquer quand on s’arrête pendant 30 minutes.

Bon à savoir : ViaRail ne fait qu’emprunter des voies appartenant à des sociétés de fret. Du coup, leurs trains ne sont pas prioritaires. Et les mecs ne se sont pas amusés à construire plusieurs voies sur toute la largeur du pays, donc les croisements de train doivent être anticipés pour qu’on puisse s’arrêter sur une voie de délestage, le temps que les trains composés de plusieurs dizaines de wagons remplis de containers passent. Et c’est parfois long. Et c’est ce qui expliquent les retards parfois impressionnants et surtout impossibles à anticiper. Alors pas de stress si vous voyez votre train s’arrêter pendant quelques dizaines de minutes… C’est normal. Les énormes retards peuvent arriver, mais j’ai pas l’impression que ce soit la norme non plus.

Le début de voyage est un peu stressant car à l’échelle du pays, je n’ai pas l’impression que nous avançons en suivant notre progression sur Google Maps… Mais on oublie assez rapidement ces questions lorsqu’on s’extirpe de la banlieue torontoise et qu’on commence à pouvoir admirer la campagne ontarienne par la fenêtre. Et bien en Ontario, il y a un sacré paquet de lacs. On a parfois l’impression de rouler sur l’eau, mais il y avait tout simplement un lac de chaque côté, avec la voie ferrée pile au milieu. Logique.

On prend assez vite nos aises et on commence à se balader dans le train, notamment pour aller se poser dans la voiture panoramique. Hyper impressionnante sur les photos du site, c’est en fait une petite excroissance au-dessus d’un wagon. Mais passée cette déception, l’émerveillement reprend le dessus quand on s’y installe. C’est un peu le salon de la coloc, avec une jolie baie vitrée. Des gens se rencontrent, d’autres discutent ou jouent entre amis, lisent un livre ou simplement ont le nez collé à la vitre. On ne va malheureusement pas faire de rencontres, mais rien qu’écouter des conversations à droite et à gauche est très intéressant. On se rend compte qu’il y a plein de profils différents : une québecoise va retrouver son mari pour quelques jours (avant que ce soit lui qui la rejoigne à Toronto 2 semaines après), certains rentrent chez eux ou dans leur famille, une allemande fait un tour du monde comme nous, une française rentre chez elle dans l’ouest canadien, etc… Certains ne vont avoir que 8 heures de train, d’autres vont jusqu’à Vancouver d’une traite. Toutes les générations sont également représentées, du bébé qui voyage avec ses parents jusqu’aux personnes âgées de plus de 70 ans (à vue de nez, je ne suis pas allé vérifier les papiers).

Pour ne pas perdre les dernières notions de temps qu’il nous reste (oui, ça devient dur à savoir quel jour on est déjà…), on décide de garder un rythme classique et de ne pas céder à la tentation de dormir n’importe quand comme l’ont fait certains de nos compagnons de trajet. Notre « routine » durant ces 3 jours va donc consister à :

  • Aller prendre une boisson et la boire dans la voiture panoramique
  • Petit-déjeuner
  • Ablutions du matin
  • Quartier libre jusqu’à environ midi
  • Pause déjeuner
  • Quartier libre jusqu’à environ 19h
  • Pause dîner
  • Ablutions du soir
  • Quelques épisodes de Kaamelott
  • Tenter de trouver une position confortable pour dormir

Nous occupons notre temps libre de différentes façons, entre des livres ou des épisodes de séries TV pour Elodie, de la Switch pour moi, des parties de dés dans la voiture panoramique ou pas mal de nez à la fenêtre. Et bien honnêtement, je n’ai jamais trouvé le temps long. Nous faisons quelques rares pauses durant la journée, de 10-15 minutes pour la plupart, jusqu’à 45 minutes pour les grandes villes (Winnipeg, Saskatoon, Edmonton) ce qui permet de nous dégourdir les jambes et de prendre l’air.

Bon à savoir (dernier après j’arrête promis) : D’ailleurs, les pauses dans les grandes villes sont bien plus longues normalement, mais ils utilisent ce temps pour rattraper les retards éventuels. Sur notre voyage, on était un peu en retard à Winnipeg, donc nous ne nous sommes arrêtés que 45 minutes au lieu de 4h prévues. Pour Edmonton, on était à l’heure jusqu’à l’entrée de la ville où nous avons poireauté 2h, du coup rebelote, on raccourcit l’arrêt.

Mardi soir nos réserves de nourriture s’épuisent et nous décidons de tester la nourriture du bord. Et bien excellente surprise ! J’ai pris un cheeseburger surprenamment bon avec de la salade et une petite purée et Elodie a aimé son chili végétarien. Chaque plat coûte 11 CAD, ce qui fait environ 7,5€. Pour un plat cuisiné sur place à la demande (ouais, ça blague pas), je trouve ça excessivement raisonnable. Et j’ai déjà mangé des burgers moins bons pour le double du prix…

Mercredi matin, on commence à voir quelques montagnes avec le lever du jour. Le voyage s’est très bien passé, mais on a quand même hâte de sortir (bon, le fait qu’on arrive dans les rocheuses canadiennes joue aussi). On a un petit aperçu des paysages qui nous attendant lorsque le train pénètre dans le parc national de Jasper. Des forêts, des lacs, des montagnes.

On entre en gare avec une petite heure de retard, ce qui est assez remarquable sur un trajet de 72h. Surtout que ça nous arrange car on était censé arriver à 6h30, mais le bureau de location de voiture n’ouvre qu’à 8h30 et le centre d’accueil de Jasper (dans lequel il faut acheter le pass pour les parcs nationaux) à 9h. On arrive donc vers 7h30 et une fois nos sacs récupérés on va se réchauffer avec un petit déjeuner dans le café the Other Paw Bakery, idéalement situé pile en face de la gare, avant d’entamer notre semaine entre Jasper et Banff.

Chiffres du trajet :

  • Départ le dimanche 15 septembre à 9h45 (east time : GMT+4)
  • Arrivée :
    • prévue le mercredi 18 septembre à 6h30 (mountain time : GMT+6)
    • effective le mercredi 18 septembre vers 7h30
  • Durée totale du trajet : environ 72h
  • Nombre de kilomètres parcourus : environ 3800
  • Nombre de lacs vus : plein
  • Nombre d’heures de sommeil : pas des masses
  • Nombre d’heures sur la Switch : bien plus
  • Nombre d’épisodes de Kaamelott regardés : 40
  • Nombre de passagers dégagés du train pour avoir fumer des joints dans les toilettes : 1

Jasper – Vancouver : une formalité

Avec Elodie nous avions un peu la même impression avant d’aborder ce trajet : Seulement 1 jour et 1 nuit ? Ca va passer tellement vite… En s’arrêtant 2 secondes pour y penser, c’est un peu bizarre. Ca reste un voyage de 24 heures ! Mais la première partie de 3 jours s’est tellement bien passée que nous n’avions aucune inquiétude pour rallier Vancouver.

On se prépare des sandwichs pour le midi (pain de mie, crème de haricots rouges, légumes grillés), un peu de snacks (pomme, poires, tablette de chocolat) et on se dit qu’on commandera à manger dans le train pour le soir. Le petit déjeuner quant à lui est déjà prévu : après avoir laisser nos gros sacs à la gare, on va se poser à the Other Paw Bakery comme à l’arrivée pour se prendre une boisson chaude et un truc à se mettre dans le ventre.

Le train arrive un peu à la même heure que le notre la semaine précédente et on embarque à l’heure. Mauvaise surprise, plus de places côte à côte ! Les places sont attribuées lors de l’embarquement, donc on doit prendre ce qu’il reste. Heureusement, quand je fais part de notre problème à un agent de bord, il sacrifie gentiment 2 sièges du carré qui leur est réservé (ils ne sont que 2, mais bon, ils font des périodes de travail de 2 jours eux, ils ne glandent pas sur leur PC) en les faisant pivoter pour nous mettre dans le sens de la marche.

On nous avait prévenu qu’on pourrait avoir la chance de voir des ours depuis le train sur la première partie du trajet, quand on est encore dans les rocheuses. On passe alors les premières heures le nez à la fenêtre, mais une fois de plus les ours nous fuient (ou alors la théorie d’Elodie, qui veut que les ours sont un mensonge du gouvernement canadien pour appâter les touristes, se vérifie un peu plus #noussachons). Du coup on boude et on retourne à nos activités du premier trajet, bouquins, séries TV et Switch.

Comme on le pressentait, le voyage s’est passé super vite. Même plus vite que prévu car on est arrivé en avance à Vancouver. Si bien que les employés de la gare n’était pas encore arrivés, donc on a dû attendre 30 minutes pour récupérer nos sacs. Là encore, pas de soucis, on a pu rester dans le train (chauffé) pour attendre plutôt que de descendre dans le froid canadien (oui, Vancouver à 6h du matin fin septembre c’est pas foufou niveau chaleur). D’autant plus que nous ne pouvions récupérer notre chambre d’auberge qu’à 14h alors bon… 1h de plus ou de moins, hein ?

Verdict ?

Et bien si c’était à refaire, je le referai carrément !

Les points positifs : j’ai adoré l’ambiance du voyage, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, la nourriture à bord est bonne et pas très chère, le personnel est très sympathique et disponible, les paysages sont très beaux. Le tracé de la ligne est plutôt bien fait car on ne se contente pas de suivre bêtement la route. La plupart du temps, le train passe en pleine forêt, ou longe les lacs ou des montagnes, perdu en pleine nature.

Les points négatifs : AUCUN ! Nan, je déconne. Le confort quand même, on dort pas super bien, faut pas se mentir. En fonction des tronçons, le train peut se vider, ce qui a permis à Elodie d’aller squatter 2 autres sièges pour essayer de s’allonger, mais ça reste pas le grand luxe. Et encore, je suis pas bien grand et pas bien difficile. Donc si les nuits vous effraient, passer votre chemin. Ou raquer pour les cabines.