Il y a quelques semaines, le Coronavirus nous semblait un problème très lointain. Une simple grippe qui paralysait la Chine mais qui ne nous empêcherait pas de voyager. Mais au fil des jours, le Covid-19 s’est subtilement approché de nous pour finalement venir gâcher tous nos plans.

Le Coronavirus est loin

Début février, alors que le bateau de croisière le Diamond Princess était bloqué en quarantaine au Japon, nous apprêtions nous-même à embarquer dans une croisière en Antarctique. C’est là qu’on fait pour la première fois face à une mesure prise pour endiguer le virus. Avant de monter dans le bateau, on doit remplir un formulaire attestant que l’on a pas été en Chine dans les 15 derniers jours et notre température est prise deux fois. A ce moment-là, on se dit que c’est bien de faire de la prévention mais ça reste encore un problème très éloigné. On entrevoit tout de même des signaux de peur qui génère du racisme : alors que l’on marche dans une rue d’Ushuaïa derrière un groupe de trois jeunes hommes asiatiques, une femme qui nous croise remonte son col pour protéger son visage.

Le Coronavirus se rapproche

Nous continuons tranquillement notre voyage en Amérique du Sud et sur l’Île de Pâques. Nous sommes maintenant fin février. En arrivant en Polynésie Française, on nous fait remplir un questionnaire pour connaitre les derniers pays visités et on prend notre température. On retrouve les parents de Benoît qui nous rejoignent de France où les cas sont de plus en plus nombreux. Nos vacances dans les merveilleux paysages de Moorea se passent bien quand on apprend que pour rentrer en Polynésie Française, il faut maintenant fournir un certificat médical attestant que l’on ne présente pas de symptômes du Coronavirus. Cela ne nous concerne pas, nous pouvons prendre nos avions inter-îles sans problème et les parents de Benoît peuvent rentrer en France même si leur escale se fait aux États-Unis qui a fermé ses frontières.

De notre côté, nous continuons notre voyage et nous arrivons en Nouvelle-Zélande le 12 mars. Il n’y a pour l’instant eu aucun cas en Amérique du Sud et en Polynésie Française, seulement 3 en Nouvelle-Zélande. Notre voyage n’est absolument pas remis en cause même si nous savons que notre itinéraire en Asie est à revoir. Il nous sera impossible de rejoindre Hong Kong depuis les Philippines car les vols sont suspendus entre les deux pays.

En France, la situation s’aggrave et ma famille est contrainte d’annuler son voyage à Bali un mois plus tard pour nous rejoindre. La nouvelle est très dure à encaisser mais on se dit que ce voyage pourra être reporter en été.

Ça se complique

Après trois jours à camper dans des coins isolés de la Nouvelle-Zélande, on rejoint Dunedin, une ville réputée pour son ambiance fêtarde estudiantine. En voyant des jeunes habillés en vert, on se rend compte que c’est la Saint Patrick et on se réjouit de pouvoir sortir boire une bière après une bonne douche.

On déchante très vite lorsque la personne à l’accueil du logement que nous avions réservé nous annonce qu’elle ne pourra pas nous louer la chambre car nous sommes sur le territoire depuis moins de 14 jours. On ne comprend pas trop d’où ça sort mais on n’insiste pas trop. La dame est très ferme et on sent qu’on ne pourra pas la faire changer d’avis.

On se renseigne sur internet et on apprend que depuis qu’on fait les foufous dans la montagne, le gouvernement Nouveau Zélandais a mis en place un auto confinement obligatoire de 14 jours pour les personnes qui arrivent sur le territoire. On tente une autre auberge qui nous refuse. Sur une troisième, il y a une affiche qui dit que les personnes arrivés avant la mise en place de ce décret sont acceptés. On a enfin une chambre où passer la nuit.

Le soir, on sort manger une pizza et boire une bière mais notre moral est sérieusement entaché. De toute façon, l’ambiance de la Saint Patrick n’est clairement pas à son max. Le soir, je m’inscris sur des groupes de voyageurs et je lis que beaucoup ont déjà mis fin à leur voyage. On en parle avec Benoît et on décide que si la Nouvelle-Zélande met en place un confinement, on rentrera en France.

On repart le lendemain matin pour une journée à découvrir la péninsule d’Otago et faire route vers le sud en faisant quelques arrêts pour faire des petites balades, voir des cascades et des vues incroyables. Nous n’avons quasiment pas de réseau pendant ces deux jours. Lorsque je le récupère, je vais faire un tour sur le groupe des voyageurs en Nouvelle-Zélande. Et là, notre monde s’écroule.

C’est la merde

Le jeudi 19 mars, Jacinda Ardern, la première ministre Néo-zélandaise a annoncé la fermeture des frontières. L’ambassade française en Nouvelle-Zélande conseille aux voyageurs de rentrer chez eux au plus vite tant qu’il n’y a encore des vols commerciaux disponibles. C’est le choc. On ne pensait pas devoir rentrer si vite mais on s’y résout devant cette situation très compliquée. On met en place notre plan de bataille. Première étape : avoir un billet d’avion. Nous contactons notre agence de voyage et nous regardons les vols en parallèle.

Quitter la Nouvelle-Zélande s’avère plus compliqué que prévu. Les vols s’annulent les uns après les autres. Il y a beaucoup d’incertitudes sur la possibilité de faire une escale dans un pays ou non. Tous les vols proposés sur les comparateurs passent par l’Australie qui ferment ses frontières. L’ambassade annonce que les transits sont autorisés mais dans les faits, beaucoup se font refuser l’embarquement. Les informations divergent selon les sources. L’Australie autorise le transit pour une durée de 48 heures, puis 72h mais il doit faire moins de 8 heures car sinon il faut un visa. Les prix des vols s’envolent. On lit des témoignages de gens qui ont dépensés des milliers d’euros en billets d’avion mais qui n’ont pas pu rentrer.

On accepte la proposition de notre agence de voyage pour un vol le 28 mars, une semaine plus tard. Il passe par la Malaisie et pas par l’Australie et nous ne payons que 200 euros par personne de frais de re-routage. Mais ce vol part d’Auckland au nord du pays et nous sommes à 1600 kilomètres de là sur la pointe sud. Nous entamons quatre jours de route vers le nord ponctués par quelques bonnes nouvelles mais aussi beaucoup de mauvaises.

Le compte à rebours

Vendredi 20 mars

 Slope Point – Invercargill – Dunedin : 278 kilomètres •  53 cas en Nouvelle-Zélande

  • On se fait refouler d’un café parce qu’on est dans le pays depuis moins de 14 jours. Notre moral en reprend un coup.

Samedi 21 mars

Dunedin – Christchurch : 361 kilomètres • 66 cas (+13)

  • On paye nos billets de retour et ils sont validés dans la foulée
  • On réussit à modifier la date de notre traversée en ferry en l’Ile du Sud et l’Ile du Nord pour le lendemain

Dimanche 22 mars

Christchurch – Wellington : 439 kilomètres • 102 cas (+36)

  • On réussit à prendre le bateau dans une ambiance très particulière mais un décor incroyable.
  • Notre logement à Auckland est validé.
  • Notre vol de retour est annulé.

Lundi 23 mars

Wellington – Kinleith : 436 kilomètres • 155 cas (+53)

  • Les derniers jours beaucoup de campings ont fermé. On s’installe dans un camping gratuit en espérant ne pas se faire expulser.
  • Jacinda Ardern annonce le confinement de la Nouvelle-Zélande pour un mois à partir du 25 mars au soir.
  • Notre agence de voyage ne peut pas nous proposer de nouveau vol. Nous sommes donc bloqués en Nouvelle-Zélande dans l’attente d’un éventuel rapatriement de l’ambassade.

Mardi 24 mars

Kinleith – Auckland : 213 kilomètres • 205 cas (+50)

  • Nous faisons quelques courses pour se préparer au confinement. Les rayons de pâtes, riz, flocons d’avoine et PQ sont quasiment vide et un message est diffusé dans le magasin demandant aux gens de faire leur courses normalement.
  • On arrive à notre logement à Auckland qui sera celui du confinement.
  • L’agence de location de voiture nous annonce que nous devons rendre notre voiture avant le confinement. Sinon, nous devrons la rendre après et payer les jours supplémentaires.

Mercredi 25 mars

283 cas (+70)

  • Nous rendons la voiture puis nous rentrons à pied à notre appartement de location. La plupart des magasins sont déjà fermés. Les gens que nous croisons portent des masques et les trottoirs n’ont jamais été aussi bien partagés.
  • 23h59 : la Nouvelle-Zélande passe en confinement total

Où nous en sommes

J’écris cet article le 26 mars dans notre première journée de confinement. Nous sommes bien installés. Notre logeuse a acceptée que l’on reste jusqu’à ce qu’on puisse partir. Zip World nous a reproposé un billet pour le 10 avril. Nous n’y croyons plus vraiment. Nous avons plus confiance en un rapatriement du gouvernement comme c’est déjà le cas dans d’autres pays. L’ambassade a déjà mis en place un recensement mais nous comprenons bien que nous ne sommes pas prioritaires.

Nous allons donc profiter de ce confinement pour passer du temps sur le blog, réfléchir à la suite et surtout faire la sieste.

 Edit : nous sommes rentrés en France

Après quinze jours de confinement en Nouvelle-Zélande, notre avion du 10 avril était confirmé. Nous avons fait nos sacs, enfilé nos masques et quitté notre fabuleux logement à Auckland qui avait rendu ce confinement plus doux.

Nous embarquons à 14h45 pour quasiment 18 heures de vol jusqu’à Doha. On enchaîne avec un vol de 8h pour la France. Nous arrivons le 11 avril à 7h40 à Charles de Gaulle. Toujours masqués, nous prenons un taxi jusque chez les parents de Ben qu’on salue de loin avant de repartir avec leur voiture direction la Normandie. En chemin, des gendarmes nous arrêtent et contrôlent nos deux attestations (attestation de voyage à l’international et attestation de retour en France). Ils sont bien désolés pour nous et nous laisse repartir.

Dans le village de mes parents, des amis nous prêtent un gîte pour nous confiner. Nous passons quelques jours un peu déphasés à cause du jet-lag. Depuis, on s’est adapté au confinement à la française. On essaie d’imaginer la suite, mais c’est difficile dans cette situation. On parle plus de notre retour et de l’après dans le dernier épisode de notre podcast.